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POUR LA RECONNAISSANCE DU METIER DE BIFFIN

Type du projet

Photographie

Date

Avril 2023

Le contexte à Marseille.

Les biffins, vendeurs de rue, sont installés dans plusieurs quartiers de Marseille. Capitaine Gèze/la Cabucelle/les Crottes où on rencontre le plus grand nombre : jusqu'à plus de 800 personnes le week-end, mais également dans le quartier de Noailles, la Joliette, la Porte d'Aix... La conjoncture actuelle fait que le nombre de vendeurs éco-recycleurs augmente. La situation est problématique selon plusieurs axes qui doivent, et peuvent, être réglés autrement que par la répression.

Tout d'abord, qui sont les biffins ? Ils viennent de plusieurs horizons. On peut constater une proportion de 60% d'hommes pour 40% de femmes dans certains quartiers, presque 100% d'hommes dans d'autres. Nous rencontrons un vaste éventail d'âges. Les plus jeunes sont à peine majeurs, certains atteignent plus de 80 ans.

Travailler avec eux, échanger, c'est sortir de tout à priori. Si l'on doit les « déterminer » par un point commun, c'est la précarité. Celle-ci étant en hausse, sur Marseille comme sur tout le territoire français, on remarque un nombre grandissant de vendeurs, l'installation de nombreuses tentes dans notre ville, mais également de nouveaux bidons ville. Il y a donc une urgence sociale et économique à mettre en place un accompagnement social personnalisé, mais également collectif vers une professionnalisation, une autonomie et une indépendance.

L'insécurité se fait de plus en plus sentir au quotidien. La délinquance se faufile au milieu des étals. Des agressions physiques quotidiennes et des vols ont lieu contre la population, les biffins et les passants. Des interventions policières ont régulièrement lieu afin d'éloigner les délinquants présents. Les vendeurs-recycleurs souffrent de ces interventions, souvent confondus avec les délinquants.

Le projet, ici présenté, répond aux ODD (Objectifs de développement durable) suivants :
1- Pas de pauvreté
2- Faim
3- Bonne santé
4- éducation
5- égalité homme/femme
8- Travail décent
9- industrie, innovation et infrastructure
10- Inégalités réduites
12- consommation et production responsables
16- Paix, justice et institutions efficaces
17- Partenariats pour la réalisation des objectifs
La création et la reconnaissance d'une Corporation des travailleurs biffins.

Toutes les activités, commercial, tertiaire et autre, sont représentées par une corporation professionnelle qui permet la reconnaissance de leur métier, leur existence leur travail et leurs difficultés : les commerçants, les hôteliers et la restauration, les architectes, les médecins... Toutes.
Aujourd'hui, il n'existe aucune corporation professionnelle qui permette aux biffins de se faire reconnaître, de se valoriser, de se défendre, de créer une convention professionnelle qui fasse que, légalement, ils existent. La création d'une Corporation des travailleurs biffins, c'est la reconnaissance d'un métier qui existe depuis des siècles et la possibilité de l'encadrer. Il faut aller au-delà de vider les trottoirs de nos villes. Il faut organiser la profession.

Marseille, qui est la ville où s'est installé le plus grand marché informel, sans compter tous ceux qui s'installent dans de nouveaux quartier, se doit d'être la première ville à accompagner la création d'une corporation professionnelle.

Marseille pour une ville plus juste, plus verte, plus démocratique.

La problématique principale de ces travailleurs de l'ombre, c'est l'invisibilisation de leur existence, de leurs nécessités pour la société civile mais aussi pour les entreprises, voire l'industrie. Il apparaît aujourd'hui nécessaire d'accompagner les biffins dans la création de cette Corporation Professionnelle. Celle-ci permettra :
la reconnaissance du métier et de ses acteurs,
de fixer les règles du métier,
de fixer les tarifs afin que ceux-ci ne soient plus dépendants du bon vouloir de leurs clients principaux : fripiers (de centre ville), brocanteurs et/ou antiquaires, ressourceries, entreprises et industrie.

Pour l'accompagnement des biffins dans une si folle aventure, il faudra un lieu qui leur soit dédié pour les actions de la nouvelle Corporation mais également pour les actions d'accompagnement social.
Un accompagnement social personnalisé.

L'accompagnement personnalisé ne peut se dérouler qu'après une période de plusieurs semaines à plusieurs mois de rencontres régulières. Il est primordial d'aller au contact des vendeurs de rue. Ceux-ci se déplacent assez peu dans les structures, soit par manque de temps, manque de confiance, soit parce qu'elles sont trop éloignées, ou encore parce qu'ils maîtrisent mal la langue ou ont honte de leur situation. La confiance se construit à petits pas et nécessite parfois de prendre des chemins de traverse. C'est le rôle des artistes qui nous accompagnent.
Les biffins.es font face à de nombreuses problématiques. Pour y répondre, INDICIBLE embauchera, dans un premier temps, un.e travailleur.euse social.e afin d'être plus efficace, mais également une biffine traductrice afin de faciliter les échanges et instaurer la confiance. L'équipe travaille également en collaboration avec des avocats.

Il y a une nécessité à accompagner les vendeurs de rue vers une professionnalisation. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : la formation professionnelle, l'accompagnement vers le salariat ou vers la création d'entreprise. Cette professionnalisation est souvent freinée par des années de travail dans la rue, une auto dévalorisation, une frilosité des employeurs, un confort pour certaines structures qui les accompagnent à les maintenir dans une dépendance, la difficulté pour d'autres structures à embrasser la globalité des problèmes, une incapacité à voir ses propres compétences, des problèmes physiques ou psychologiques...

L'accès à l'emploi n'est cependant pas le seul frein rencontré par les biffins. Ils sont nombreux : l'accès au logement, la scolarisation des enfants, les cours de FLE pour les adultes qui en ressentent le besoin, la santé, l'accès aux droits, l'accompagnement sur certains dossiers (CAF, Pôle emploi, Impôts, régularisation, retraite, Sécurité Sociale), rédaction de courriers, violences conjugales, l'abus de certaines associations qui font travailler à temps plein, bénévolement, des personnes en régularisation, leur faisant miroiter que la carte de bénévole est un document prédominant dans leur dossier,... 

Il est intéressant que ce pôle social soit également ouvert aux habitants du quartier où il s'installe, grâce aux partenariats existants avec les structures présentes sur le territoire qui pourraient ainsi venir faire des permanences. Ce pôle, où les vendeurs et les riverains, sauront qu'une majorité de leurs démarches peuvent être réalisées, centralisées, sera un confort pour une population submergée par le quotidien. Il existe aujourd'hui beaucoup de dispositifs dont la majorité peut bénéficier. Cependant, la plupart des biffins passent sous tous les radars. Il apparaît donc nécessaire d'installer ce Pôle social à proximité du marché. Dans le cadre du quartier Capitaine Gèze/la Cabucelle/les Crottes, un long travail de mise en confiance, d'identification de l'interlocuteur a été mis en place pendant deux ans. Aussi, l'association INDICIBLE souhaite-t-elle pouvoir obtenir un local dans les entrepôts Casino (métro Gèze) où va s'installer la ressourcerie et un marché de 200 places pour les vendeurs de rue gérés par l'association AMELIOR.

Ce travail d'accompagnement a déjà commencé, mais il ne peut être mené correctement que par l'embauche d'au minimum une personne compétente supplémentaire.

Ce qui a déjà été réalisé :
Accompagnements au CCAS pour des domiciliations
Accompagnement aux impôts
Remplir les dossiers CAF
Remplir les dossiers Sécurité Sociale (accès aux droit, dossier invalidité)
Logement (dossier pour l'agence, gestion de problèmes avec un syndic, législation
et droits des locataires, législation et droit des occupants sans titre ni droits)
Formation aux outils informatiques
Accompagnement CCI
Travail en collaboration avec l'ADDAP 13 pour une femme victime de violences conjugales.

Ce qui est en cours :
Accompagnement d'une famille, avec 2 enfants mineurs, qui occupe un appartement sans droit ni titre et risque l'expulsion sans relogement.
Accompagnement d'une femme, exploitée par sa famille et une association qui « l'emploie » bénévolement depuis plusieurs années en échange d'un cours de FLE par semaine. Une structure adéquate a été trouvée : cours que FLE quotidien et une assistante sociale pour l'accompagner.
Accompagnement d'un jeune homme qui travaille 7/7 jours pour payer une chambre 700 € dans un squat et qui n'a donc pas le temps de faire ses papiers. Une solution est trouvée : une assistante sociale et un avocat vont pouvoir prendre son dossier en main. Le jeune homme demande que l'on prenne les RDV et qu'on l'accompagne physiquement. Il parle bien le français mais a peur de l'administration.
Accompagnement de deux femmes victimes de violences conjugales.
Accompagnement et hébergement d'un jeune adulte toxicomane vers un parcours compliqué pour soigner ses addictions. Aujourd'hui, il est suivi par un psychiatre, une psychologue et s'oriente vers une cure.

Un accompagnement social collectif

Certains groupes ont besoin de formations. Celles-ci sont diverses :
Création d'entreprise
Formations professionnelles
Permis de conduire
FLE
Outils informatiques
Réaliser un CV
Laïcité, droit français.
et autres.
Dans ce cadre, il est important de créer des groupes mixtes afin de rassurer chacun sur sa situation et permettre une reprise de confiance en soi. La prise de parole collective permet d'insuffler une dynamique précieuse. Cependant, il est évident que si l'orientation vers des formations adéquates sera réalisée par notre équipe ; les formations seront délivrées par des organismes compétents et agréés. Cette étape importante vers l'autonomie se construira en collaboration avec nos partenaires.

D'autres accompagnements pourront se réaliser de façon non mixte, selon les problématiques :
Rencontres entre femmes :
le couple
la charge mentale
les difficultés liées à l'hygiène intime dans l'espace public
la précarité menstruelle
Rencontres autour des droits au logement :
effectuer une demande de logement social
droits et devoirs pour un locataire
obtention d'un garant et/ou caution
remplir un dossier CAF
droits et devoirs pour des occupants sans titre
Rencontres autour d'un sujet ou problème commun :
violences (conjugales, racisme, discrimination...)
garde des enfants
difficultés à s'émanciper de sa communauté ou de sa famille
aides pour les vacances, le sport, l'accès à la culture

Le rôle des artistes

Comme exprimé plus haut, les artistes ont un rôle primordial à jouer dans l'émancipation des plus précaires. A tord, on minimise la relation qui se fabrique et qui souvent dévoile des problèmes que les travailleurs sociaux ne peuvent détecter. En effet, on se livre plus facilement à une personne que l'on sait non jugeante, puisqu'elle n'est pas là pour traiter nos problèmes.

Les artistes ont un double rôle à jouer. Dans un premier temps, par leur travail avec les publics dits « éloignés ou empêchés », ils révèlent des réalités complexes dont peuvent s'emparer les travailleurs sociaux pour mieux cibler leur accompagnement. Dans un second temps, ils aident à porter la voix de ces personnes que l'on ignore souvent. Ils donnent à voir ces réels que l'ont veut pas voir. Ils luttent conte les fantasmes discriminants que l'on entretient par peur, par ignorance.

Stéphanie Fernandez Recatala, fondatrice d'INDICIBLE, a également été la co-fondatrice du groupe de plasticiens ECHELLE INCONNUE qui travaille en France et à l'étranger. Elle a porté et participé aux projets du groupe pendant plus de 10 ans. Les deux premiers projets ont permis de travailler pendant 7 ans dans un foyer pour sans-abri, un restaurant social et une aire pour Gens du voyage.
La très grande majorité des sans-abri souffrait d'un alcoolisme sévère. Nous n'avons jamais interdit l'alcool dans l'atelier. La seule règle était : pas de propos racistes, antisémites, sexistes ou homophobes. Plusieurs ont arrêté l'alcool au fur et à mesure du travail. Les éducateurs, présents dans le centre, nous ont demandé qu'elle était notre « recette ». Aucune, avec eux, nous travaillions sur la notion de territoire, leur territoire. Cette question, qui paraît anodine, amène à parler de son histoire, de l'intime, des déclencheurs. Un d'eux était très violent, sous piqûre retard, sauf dans l'atelier. Il a fini par nous livrer qu'il était l'enfant d'une prostituée et nous raconter son enfance. Les travailleurs sociaux et le médecin qui le suivaient depuis des années n'en savaient rien. A leurs yeux, il était simplement un homme violent qu'il fallait contenir. Ils n'avaient jamais eu accès à ses souffrances.
Un autre que nous nommions Robinson, parce qu'il avait longtemps vécu dans une cabane qu'il avait construite -cabane détruite par les pompiers pour faire un « exercice-, n'avait plus de nouvelles de son fils parce qu'il avait trop honte de sa situation. C'est à moi qu'il en a parlé lors d'une scénographie urbaine, racontant des morceaux de leurs histoires, que nous avions installée en plein centre ville. Parce que la relation était amicale, parce que nous discutions d'égal à égal, j'ai pu convaincre Robinson de reprendre contact avec son fils. Il a fini sa vie au milieu des siens, heureux.
Sur le terrain des Manouches, nous nous sommes aperçus qu'il y avait une grande méfiance envers les non Manouches, les Gadjé. Mon arrière-grand-mère m'a élevée en me parlant des voleurs de poules, mais aussi des Gitans voleurs d'enfants. Les Gitans, Manouches, Sintis, Roms, vivent avec la même « légende » : Gadjé voleurs d'enfants. Dans leur cas, c'est à juste titre. Le Samudaripen (la déportation des Roms), mais aussi l'administration leur a souvent enlevé leurs enfants. Le Centre social qui gérait le terrain ne connaissait pas ces craintes et était dans l'incompréhension des méfiances à leur égard. Les tensions ont pu être apaisées.
Un travail avec les femme du camp m'a permis de comprendre que l’analphabétisme était traditionnellement une rébellion contre l'institution qui les avait pourchassés durant des siècles. Savoir lire et écrire, c'était accepter d'appartenir au camp du bourreau. Le travail artistique mené avec elles a permis qu'elles comprennent qu'apprendre à lire et écrire signerait leur émancipation et leur indépendance face à l'administration.

Ce ne sont que quelques exemples de l'intérêt fondamental de la présence des artistes dans le cadre de l'accompagnement social.

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